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2025年4月17日

Une expérience théâtrale avec le SPAC vol.3

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La première étape de la création d’un spectacle est une période d’expérimentation et de recherche pour réussir à trouver un moyen de créer des images scéniques intéressantes. Ce que j’aime particulièrement au SPAC, c’est que tout le monde participe à la recherche d’idées. Il y a quelques éléments qui ont été imposés dès le début par le metteur en scène à travers les didascalies du texte ; cependant, les acteurs disposent d’une grande liberté dans les propositions scéniques. Chacun a apporté sa pierre à l’édifice en proposant des inspirations liées à son imagination personnelle et à ses centres d’intérêt. Par exemple, Sayaka WATANABE (122) a partagé avec nous sa passion pour les danses dédiées aux idoles. Elle a proposé que les singes fassent des danses de fans à leur chef pour lui témoigner leur soutien. Elle nous a donc appris quelques danses, et c’était intéressant d’en apprendre plus sur ce milieu que je ne connaissais pas vraiment.

Au SPAC, il ne s’agit pas de renouveler les techniques qui ont fait leurs preuves par le passé, mais de toujours chercher à expérimenter de nouvelles choses. Beaucoup de compagnies de théâtre ne renouvellent pas vraiment leur esthétique, car cela permet de fidéliser le public et d’assurer leur succès ainsi que leur stabilité financière. Ce n’est pas quelque chose de nouveau : par exemple, dans le théâtre romain antique, les spectacles avaient presque la même structure et les mêmes archétypes de personnages. Le public prenait plaisir à retrouver ce qu’il connaissait déjà, et le plaisir résidait dans les petites variations. Le plaisir du public était nécessaire au bon déroulement du rituel religieux. Le spectacle était une offrande aux dieux, mais si le public n’aimait pas la pièce, il ne pouvait pas partager cet instant de plaisir et de divertissement avec ces derniers, et donc le lien entre le monde des humains et le monde céleste ne pouvait pas se créer. Ce théâtre s’est donc figé dans les conventions des attentes du public, et petit à petit, le public a fini par s’en désintéresser jusqu’à ce que le théâtre finisse par complètement disparaître en Europe (ou alors à exister de manière anecdotique) jusqu’au XIIIe siècle. C’est ce que l’on a appelé la « nuit du théâtre ». C’est pourquoi je pense qu’il est fondamental de rester dans l’expérimentation. Ce n’est qu’en explorant de nouvelles possibilités que l’on peut permettre au théâtre de vivre et d’évoluer. Le SPAC a le courage de regarder au-delà de ses créations précédentes, et je vois à travers cela un modèle à suivre pour mes futures mises en scène.
 
Ainsi, pour représenter la mer, nous avons réfléchi à une manière différente de la faire exister qui n’avait jamais été faite auparavant au SPAC. Agiter un grand tissu, mettre un carré bleu par terre, mettre de l’eau au sol, par exemple, avaient déjà été explorés.

Pour commencer, nous avons tous présenté des références qui nous faisaient penser à la mer. J’ai été agréablement surprise par la variété des références proposées par chacun : des images, des cartes postales, des mangas, des albums d’images, des openings d’animes, des plans de parcs à thème marins, etc.

Après avoir récolté toutes les idées et les propositions, « l’équipe de la mer » (le nom donné au groupe de comédiens en charge de la recherche sur la représentation de la mer) a construit énormément de choses. Ils ont pensé qu’au lieu d’utiliser un décor pour faire apparaître la mer de façon subjective, ils pouvaient utiliser chaque corps du groupe pour créer cette image. Chaque comédien incarnerait donc une vague qui, mise à côté des autres, pourrait faire naître la mer. Mais comment devenir une vague ?
 
Parmi les propositions, j’ai trouvé très drôle celle de Yuya Daidomumon, qui voulait imiter une vague dans un sac plastique bleu avec des gants blancs pour symboliser l’écume.

Au final, l’équipe de la mer a retenu l’idée d’utiliser des bambous pour symboliser des vagues. C’est un choix assez surprenant par son originalité, qui repousse les limites de l’imagination. Personnellement, je n’aurais jamais pensé à représenter la mer avec des morceaux de bois droits et rigides. J’adore cette idée et je ne peux que crier au génie.


 
Ils ont ensuite ajouté des petits éléments supplémentaires pour renforcer l’image de la mer, comme des colliers poissons, un casque bateau, un masque vague et des lunettes de piscine. Ces propositions font partie des choses les plus drôles qu’il m’a été donné de voir depuis le début de mon séjour !


 
L’équipe de la mer étant la même que l’équipe s’occupant du grand oiseau Jatayu, ils ont eu une idée similaire pour la mise en scène. Il fallait arriver à représenter un oiseau gigantesque qui prendrait presque toute la place sur la scène.
 
La première idée qu’ils ont eue était de faire en sorte que chaque corps des acteurs soit une plume constituant le corps de l’oiseau. L’idée était bonne, cependant, l’image n’était pas assez convaincante. Alors, ils ont fait deux propositions. La première était de créer une marionnette gigantesque avec des morceaux de tissu. Cette proposition présentait un oiseau majestueux mais beaucoup trop fluide pour sa condition à ce moment de la pièce, et la représentation ayant lieu en extérieur, le vent aurait rendu la manipulation difficile.


 
La deuxième proposition était de conserver les acteurs comme les plumes de l’oiseau mais en portant des ailes en carton pour mieux dessiner les ailes géantes de ce dernier. Cette proposition donne un résultat très beau et impressionnant. Pour avoir essayé la manipulation, je peux dire que la difficulté réside dans la coordination et l’écoute du groupe.


 
Cependant, on a l’impression d’être réunis tous ensemble dans un même corps, et la coordination devient de plus en plus naturelle avec la pratique, lorsqu’on arrive vraiment à se connecter les uns aux autres. C’était une expérience intéressante pour moi, car même si j’avais du mal à comprendre ce qu’ils voulaient obtenir comme résultat lorsqu’ils l’expliquaient en japonais, je comprenais tout lorsque je devenais une plume de l’oiseau. C’était comme si nous formions une chaîne : la personne derrière moi me transmettait l’énergie de son geste, et je la transmettais à la personne après moi.

Je me demande si, si je parlais aussi bien japonais qu’eux, il aurait été plus difficile pour moi de créer cette connexion par le corps et l’énergie du mouvement. En effet, je pense que si mon japonais était parfait, mon geste aurait plus été un résultat commandé par les mots qu’un véritable instinct gestuel engendré par la connexion au groupe. Je pense réitérer l’expérience en français ou alors plus tard avec un meilleur japonais.
 
Dans l’histoire du Ramayana, le prince Rama est aidé par des singes magiques. Ces singes ont une grande importance dans l’histoire ; en conséquence, les movers se sont intéressés très tôt à la manière de les représenter. Cependant, j’ai été surprise de voir que la méthode d’approche est inversée par rapport à ce que j’ai pu voir en France.

En France, la plupart du temps, on travaille le texte et la psychologie des personnages avant de travailler leurs postures et leurs gestuelles. Au SPAC, les expérimentations ont commencé par une recherche sur le corps dans l’espace : comment les singes du Ramayana pourraient-ils se déplacer et vivre en groupe ?

Dans un premier temps, il ne s’agissait pas de reproduire exactement le comportement de vrais singes, mais de réussir à construire une identité corporelle. Nous avons donc fait beaucoup d’exercices où nous avons exploré nos possibilités gestuelles et leurs limites. J’ai proposé un entraînement que j’avais l’habitude de faire en cours de danse-théâtre, inspiré de Pina Bausch : le monstre. Il s’agit d’un chœur qui donne l’impression d’être un seul corps en formant une sorte d’amas organique qui évolue dans l’espace. Chaque membre du groupe peut bouger comme il le veut, mais il doit toujours avoir une partie de son corps reliée à celle de quelqu’un d’autre.


 
En effet, les singes communiquent beaucoup par le contact et socialisent par le toucher. Il n’est pas rare de trouver un groupe de singes blotti les uns contre les autres. Chez beaucoup d’espèces, plus un singe est élevé dans la hiérarchie du groupe, plus il cherche à avoir de contacts physiques avec les autres. Cet exercice s’est révélé utile pour travailler le chœur des singes dans une première étape de travail, et j’ai été heureuse de voir qu’il avait été repris et décliné sous plusieurs formes par l’équipe des singes pour essayer des mécaniques de déplacement de groupe.


 
L’équipe des singes a ensuite fait beaucoup de recherches sur leur comportement et leur mode de vie. Ils ont observé des vidéos de singes et ont cherché à reproduire leur démarche. Ils ont fait des dessins pour mieux observer et comprendre la forme de leur corps. Ils ont également fait des recherches sur leur mode de vie et, à partir de là, ont commencé à travailler la psychologie des personnages. Avec une grande ingéniosité, ils ont également construit des queues flexibles manipulables avec un fil de pêche accroché à leur main. La queue crée des contraintes de mouvement intéressantes avec lesquelles les acteurs s’amusent à jouer.

Il était également question de décider de la part d’humanité chez les singes. Faut-il jouer des singes de façon simiesque et caricaturale ? S’agit-il d’êtres hybrides, mi-hommes mi-singes, ou alors d’une espèce humaine possédant une queue ?

Pour ma part, je pense qu’une représentation naturaliste n’a pas grand intérêt pour la recherche dans le jeu. Il ne s’agit que d’une forme d’imitation qui ne permettrait pas d’expérimenter de nouveaux mouvements plus fantaisistes. Cela enferme également le public dans l’imagination d’un animal qui lui est familier et qu’il connaît déjà. De plus, cela n’a rien de novateur et a été exploré de long en large par de nombreuses compagnies de théâtre.

Ce qui est intéressant, selon moi, c’est de jouer avec le pacte théâtral. C’est-à-dire que si vous dites au public, en montrant un stylo, que ceci est une vache, même si le stylo n’a rien à voir avec l’apparence, la posture et la gestuelle d’une vache, dans le cadre de la représentation théâtrale, le public fera l’effort d’y croire et de voir une vache. Mais ce ne sera pas une vache qui leur sera imposée, ce sera LEUR vache : la vache qu’ils voudront bien voir dans ce stylo. Chacun verra une vache différente.

De la même façon, si vous dites au public que ce personnage est un singe, peu importe la façon dont vous le représenterez, le public verra un singe. Alors, autant jouer avec l’imagination du public en leur proposant des singes non conventionnels. Qu’est-ce que cela pourrait créer dans l’imaginaire du public si les singes avaient une démarche qui évoquerait plus l’araignée ou bien l’éléphant, par exemple ? Ou alors, si les singes agissaient en tout comme des êtres humains, mais que leur seule distinction était qu’ils aient une queue ?
 
J’aimerais maintenant vous poser, à vous aussi, la question, cher lecteur : comment auriez-vous représenté les singes si vous étiez acteur dans ce spectacle ?


 

Janelle Riabi

 
Ramayana
https://festival-shizuoka.jp/en/program/ramayana/
Dates: 29 avril à 18h45, 2 mai à 18h45, 3 mai à 18h45, 4 mai à 18h45, 5 mai à 18h45, 6 mai à 18h45
Lieu: Momijiyama Garden Square, Sumpu Castle Park
Durée de l’événement: Environ 90 minutes
Langue: en japonais avec surtitres en anglais : En japonais avec surtitres en anglais
Siège: places réservées
Œuvre originale: Valmiki
Structure et mise en scène: MIYAGI Satoshi